N’être pas (à propos des leures 2008)

Musique honteusement empruntée avec bonheur: Sydney Bechet (Thème « Petite fleur »)  Si ma voix vous ennuie clic 

 

N’être pas. Ne pas avoir été. Ne plus jamais être. Le verbe jamais, conjugué à l’ennui. Apprendre à se tenir avec espoir. Il y a des mots tristes, des mots gais, des mots qui se gênent, des mots qui s’amusent, et surtout, il y a des dictionnaires. Jamais les mêmes.

N’être pas sera. Préférer l’expression du gouvernail aux mots du sérail.

Définitivement obus, pour le cratère qui ouvre la terre en deux.

Puis en mille morceaux, l’enfer et le paradis de la parole, rejetés à l’espace.

Le temps lacéré dans le but convaincu de ne pas chercher à l’enlacer.

Ne pas choisir. Le rythme ou la langueur. Laisser dire. Ne pas se laisser faire. Ne pas se trahir ostensiblement. Refaire le trajet en cherchant l’épreuve de sa mémoire. La mémoire assigne l’histoire de chacun en vérités. On perd la mémoire. Le mensonge existe.

N’être pas. Ne plus avoir été. Ne pas avoir eu le temps de se souvenir.

Désapprendre à décider. Apprendre à susciter. Désapprendre à suicider. La route à gauche ou par la droite. Vriller par le vent.

Moins fier de rien. Moins chance moins destin. Un peu plus mort.

S’étendre ne pas s’attendre. Les maux faciles.

Dresser la table y danser au centre. Tourner de l’œil dans un sourire déplacé envers les petits regards noirs incapables de feinter le dégoût.

Rester admiratif dans ses tours de table. Admirer par politesse. Une minute par jour, de vie restituée à sa première existence, et l’on tient déjà ses comptes pour la seconde.

Etre pas à pas. Refleurir (une fleur et rire) la tulipe noire de l’âge, distancée naguère par l’exhibition de ses faiblesses.

Sans cesse, ne plus insister. S’assister en cadence. Se résigner en silence. Botte secrète.

Le rythme et la langueur.

En se préparant au pire, résilier la connexion en proie directe sur ses failles.

N’être plus. Avoir été.

Préférer la chaleur des mots à l’effet joute du langage ordinaire.

Dire l’amour qu’on a. Economiser sur la laine.

Ne pas survivre sur la bête. Comprendre le secret inavouable de sa langue bote.

Les pieds d’abord. Course calmante. Même vers l’insomnie des solitudes.

Vivre d’atours et d’art flèche. Vivre autour.

Etre. Souvent le même toujours un autre. Se surprendre à se trahir. Ferveur de mémoire.

Faire vœu d’un soir. Ignorer les alentours dubitatifs devant le flegme de la liberté.

S’exprimer en dehors du principe qui exige qu’on en parle.

Accuser l’amour. Accepter de pendre des cous.

Susurrer la mort pour qui renâcle à sentir le doux parfum de la défaite d’être vivant.

Se combler de défaites. Sourire et sourire seulement, des victoires enthousiastes.

Apprendre à se ternir sans désespoir.

N’être pas. Ne pas avoir été. Ne plus jamais être. Le verbe jamais, conjugué à l’ennui.

Définitivement obtus et naître ne sera pas.

 

N’être pas à pas.

 

Cribas 22.08.2008

 

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1 réponse à N’être pas (à propos des leures 2008)

  1. @ude dit :

    Naître en voix

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